Faim. Chaleur. Enfermement.
Pourquoi a-t-il fallu que je m'engouffre dans cette jungle? Je n'ai aucun point de repère. Où est le nord ? Où est le sud ? J'avance à l'aveuglette depuis plus d'une heure et je n'ai toujours rien trouvé à me mettre sous la dent. Mon ventre grogne. C'est un animal qui souffre. Sa maladie se répand dans tout mon corps. Mes bras sont engourdis, mes jambes sont lourdes, ma tête tourne. Il faut que je retrouve la lumière pour respirer de nouveau un air pur, loin, très loin, de ce kaléidoscope d’effluves plus désagréables les uns que les autres. Je dois l’avouer : je suis bel et bien perdu…
Si je ne trouve pas rapidement de quoi satisfaire l’animal qui gémit en moi, je crois que ce dernier me dévorera de l’intérieur. Un amnésique rongé par la faim et perdu au milieu d’une île hostile… Je crois que l’on peut difficilement faire pire comme situation.
Mon cœur s’emballe, je ne sais trop pour quelle raison. Ce manque d’air. Ce mal de tête insupportable. Cette faim qui me tiraille de l’intérieur. Cette solitude. Ce vertige. Pourquoi le sol s’engouffre en dessous de moi ? Pourquoi ai-je envie de vomir ? Je tombe…
Réveil. Crampes. Isolement.
Où suis-je encore ? La végétation a changé, l’air est respirable, le ciel est sur le point de se vider de toute l’eau difficilement emmagasinée. Comment est-ce possible ? Je me souviens de cette jungle, et je me retrouve dans cette forêt. J’ai terriblement chaud. L’étrange bague que je porte sur moi est devenue rougeoyante alors que dans ma mémoire elle avait cette couleur d’ombre, indéfinissable.
Je me relève. Mes muscles sont pris de spasmes. Pourtant, je ne sais trop par quel miracle j’arrive à tenir debout. Il ne faut pas que je cède à la panique. Raisonner. Respirer… Et pourtant, je cours comme un fou. Il n’y a rien derrière moi, et mes jambes s’élancent à toute allure. Des gouttes me tombent sur le visage, le ciel pleure. Le sol se fait de plus en plus humide…
L’inévitable n’a pas été évité. Il a bien sûr fallu que je m’écrase dans la seule flaque de boue présente dans cette partie de la forêt. Plus d’attache, seulement du vide sous moi. Et le sol qui se rapproche inexorablement. Je tombe la tête la première. Je suis sale, j’ai horreur de ça. J’ai ce désagréable goût de terre dans la bouche. Mes vêtements qui étaient déjà dans un état pitoyable sont complètement souillés.
Pour la deuxième fois de la journée, je me relève. J’ai froid maintenant, j’ai oublié la faim. Je ne comprends pas ce qui m’arrive, je n’essaie même plus d’ailleurs. Pourtant… Juste en face de moi, j’ai l’impression que quelque chose se tient. Un cheval peut-être. J’ai l’impression que cette affreuse bestiole me regarde en se moquant de la situation tout sauf drôle dans laquelle je me retrouve…