Si je ne l’avais pas déjà acquis, je connais la perpétuité maintenant.
Mettre un pied devant l’autre continuellement, sans s’arrêter. Une lassitude qui m’envahissait lentement et pleinement, à chaque pas, en plus de la perspective répétitive qui s’étend à des kilomètres, tel que j’en oubliais de marcher.
Du blé, du blé, du blé à perte de vue. Si je n’étais pas dans une sorte de transe, je me serais énervé. Je sentais que ma vraie nature que je ne côtoyais pas encore était impatiente, mais que celle-ci s’était atténuée quand je me suis réveillé.
D’ailleurs, je ne savais toujours pas pourquoi je me suis retrouvé ici. Cela a été peut-être provoqué d’un choc mental persuasif pouvant venir de n’importe quoi. Ou de n’importe qui. Mais mes questions se révélèrent sans réponses, et confirmèrent mon amnésie.
Pourtant, je le savais, je le sentais, mes souvenirs étaient là, attendus d’être ouverts…
Je pensais posséder un premier indice : mon fourreau cuivré, renfermant une épée brisée. Tachée de sang. Je ne savais pas à qui ce sang appartenait, et je ne ressentais pas l’envie de le découvrir. Même si j’avais le sentiment que ce sang a suivi la dernière scène que j’ai vécu avant d’arriver ici. Celle qui semblait me retenir de récupérer mon passé. Mais pourquoi ? Quelle est la raison de cette perte de mémoire?!
Je contemplais la moitié de lame restante de mon épée. Mon visage s’y reflétait, et je semblais le découvrir pour la première fois.
Mes grands yeux gris me regardaient avec une vague lueur d’ambition. Maintenant, ils devaient juste résumer mon état d’esprit : vide. Mes lèvres pincées, elles, me donnaient plutôt un air exigeant et orgueilleux. Mon nez droit arborait une certaine élégance, et aussi, je l’avoue, une légère prétention.
Comme si elle me reprochait mon charmant caractère, quelque chose m’arrêta net. Et je ne savais pas pourquoi, peut-être parce que je pensais que quelqu’un allait forcément me rattraper, mais je n’omis aucune résistance à tomber grâcieusement par terre. Ma face toucha la boue en première. Suivie par mon corps tout entier, comme au ralenti. J’entendis un groupe d’oiseaux sauvages s’envoler, comme indigné par ma chute. Moi, je restai là, aplati dans l’herbe comme une vulgaire poupée de chiffon. La terre semblait vouloir me retenir. Et je ne l’en empêchais pas. Je ne pouvais m’échapper seul de ces terres fertiles, et personne n’allait m’en tirer. Perdu. Je comprenais enfin la vraie nature de ce mot. Je souris faiblement. Est-ce que l’avenir voulait me réserver un sort plus heureux que de périr dans ce désert fertile ? Je n’attendais pas vraiment de réponse. Nonobstant mes pensées funestes, elle vint d’elle-même.
- Fenril! s’écria une voix surprise.