La nuit venait tout juste de tomber et déjà le vent se levait sur Wern’zarg, soufflant sur mon visage. Seul dans la nuit, j’observais le royaume où j’avais grandit. Nous y voilà enfin Lyrön songeais-je. Finit cette vie, finit ce royaume où rien n’est juste, où personne ne fait rien pour que cela change. Les gens ne se révolteront pas j’en suis maintenant certain, la servitude leur convient, pas à moi. Je ne renoncerai jamais à ma liberté, je
m’en fais la promesse! Luna, si seulement tu étais là, tu saurais, tu me dirais
quoi faire…
Le travail au champ terminé, j’avais prétexté l’envie de prendre l’air et m’étais éloigné. C’était aujourd’hui, le début de ma vie, et la fin de la sienne. Je lançais avec un geste sûr mon poignard et il se figea dans la nuque de cet homme que j’avais nommé père durant toute mon enfance. Père ! Ricanais-je, et un rire sans joie sortit de ma gorge pour résonner dans la nuit claire ; Il ne l’était pas, et le ne serait plus jamais !
Nous étions tout jeune, lorsque nous avons été recueillis, Luna et moi par ce couple de paysans. Argan, un pauvre laboureur du royaume était un homme cruel et aigri par cette vie de misère. Il en voulait à la terre entière mais surtout à son roi. Sa femme, Loïs, tout son contraire, était un amour de petite dame qui n’ayant jamais pu avoir d’enfant nous avait aimé de tout son cœur. J’allais sur ma huitième année et déjà certaines choses me troublaient, Luna me ressemblait énormément, même cheveux gris argent, des yeux rouges bruns profonds comme les miens, et surtout les même traits fins. Loïs et Argan ne nous ressemblait en rien avec leurs traits grossiers ; et alors que je questionnais Loïs elle m’avoua, le cœur lourd, qu’elle n’était pas notre mère. Un matin d’hiver, un inconnu avec un long manteau noir et une capuche qui recouvrait entièrement son visage était venu, laissant devant sa porte nos deux petits corps endormis. Elle ne s’était pas montrée, effrayée et avait attendue qu’il soit loin avant d’ouvrir. Le sommeil dans lequel nous étions plongés n’avait rien de naturel, et Loïs supposa qu’on avait dû nous drogués. Elle ne se posa pas de questions et nous adopta, nous traitant comme si nous avions été ses propres enfants. C’est ainsi que nous avons grandit, acceptant cette vie, où courir dans les champs, grimper aux arbres et observer les animaux étaient nos seules préoccupations. Je me souviens Luna, et je n’oublierai pas combien nous avons été heureux.
La vie aurait poursuivit son cours s’il n’y avait pas eut cette terrible nuit. Mon cœur se déchira à ce souvenir, et la haine m’envahit. Comment as-tu pu tuer ma sœur ? Ma petite sœur, mon rayon de soleil, ma vie ! Je t’ai haït Argan, de tout mon cœur, de toute mon âme! Depuis cette nuit, où assommé par un de tes coups, je n’ai pu qu’observer ce meurtre. Chaque nuit je revois cette scène, et chaque nuit je me détruis un peu plus ! J’aurai dû la sauver ! Elle est morte sous mes yeux, sous tes coups de brute ! Je vois encore la vie s’échapper de son petit corps gracieux… Comment un frère peut il laisser mourir sa sœur? Depuis ce jour je ne mérite plus de vivre je le sais, mais toi non plus Argan! A Wern’zarg personne n’a de compte à rendre, et personne n’a cherché plus loin que l’annonce de la mort de ma sœur. Je vous en ai voulu, à tous, à toi Loïs pour être resté avec un tel homme et m’avoir contraint à l’inaction pour te préserver, à vous tous villageois que rien ne touchent jamais, à vous mon « roi » qui ne sortez jamais de votre beau château pour vous préoccupez des autres.
Des larmes de souffrance avaient emplit mes yeux et je secouais rageusement la tête, chassant mes souvenirs. La haine m’envahit doucement, comme un poison s'immisçant dans mes veines sans que je puisse m’en rendre compte, un poison qui nous ronge de l'intérieure. La vengeance est quelquefois inévitable… mais la haine engendre inévitablement le mal... Je sais cela Luna, c'est comme si je t'entendais me le répéter, seulement le pardon, l'amour et la vérité ne te vengeront pas, et c'est la haine, ce soir,
qui guidera mes pas.
Regarde-moi, petite sœur, le sang coulera et ce sera en ton honneur.